La thermorégulation ou pourquoi nous ne sommes pas des lézards

Nous ne sommes pas des lézards. Nous n’avons pas besoin de passer des heures au soleil pour nous réchauffer, ni de nous mettre à l’ombre quand il fait trop chaud pour éviter que notre sang se mette à bouillir. Bon je vous l’accorde, quand il fait vraiment froid le soleil c’est bien agréable, autant que l’ombre lorsqu’il fait vraiment chaud. Mais ça n’est pas indispensable à notre survie. Le corps humain est capable de s’adapter à des conditions extraordinaires comme courir un marathon sous une chaleur de 50°C  (le Marathon des Sables, allez voir, c’est des malades…) ou nager dans des lacs d’eau glacée. Nous avons donc nos propres mécanismes de thermorégulation (régulation de la température) et arrivons à garder une température constante. Cela fait de nous des animaux endothermes et homéothermes.

[Petit détour étymologique: « endo- » vient du grec éndon (ἔνδον) signifiant « dans », « homéo- » de hómoios (ὅμοιος) signifiant « semblable » et « -therme » de thermós (θερμός) signifiant « chaud ». Endotherme veut donc dire que notre chaleur vient de l’intérieur et homéotherme qu’on arrive à la garder constante.]

Pourquoi la régulation de notre température corporelle est-elle si importante ?

Tout simplement pour notre survie ! Des réactions chimiques ont lieu dans notre corps en permanence et, comme toujours en chimie, les conditions pour le bon déroulement de ces réactions doivent être précises. Une température constante et adéquate est donc indispensable1.

Le deuxième rôle de la thermorégulation nous le connaissons tous, c’est la fièvre. Pouvoir faire monter la température de notre corps lors d’une infection est un avantage pour notre survie2,3.

Bon, et c’est quoi alors cette température idéale ?

Ça, c’est la question à ne pas poser. J’exagère un peu, mais encore aujourd’hui la valeur de notre température basale (d犀利士 e base) est très discutée. En effet, rien que sur le principe, comment la définir ? Est-ce la température du sang ? Est-ce la température des muscles ? Est-ce la température prise au niveau anal ? Celle prise dans l’oreille ? Au niveau de l’aisselle ? Evidemment il n’y a pas de réponse. La température varie dans chacun des endroits précédemment cités. En plus de cela vient s’ajouter des variations interpersonnelles, des variations selon l’heure de la journée, selon notre humeur, selon le cycle menstruel…3 Je m’arrête, vous avez compris le problème. Accordons nous pour dire que la température physiologique du corps humain se situe entre 36.1 et 37.8 °C 4.

Les mécanismes de régulation

Il existe cinq principaux mécanismes de régulation de notre température1,5,6. Ils sont tous contrôlés par notre cerveau, nous verrons plus tard comment.

  1. La thermogenèse
  2. La vasomotricité cutanée
  3. La piloérection
  4. La transpiration
La thermogenèse

Thermogenèse signifie création de chaleur. Le corps humain à deux moyens de produire de la chaleur. Avec ou sans frissons. La méthode avec frissons est simple à comprendre. Vous tremblez, ça active vos muscles, ils chauffent, la chaleur est là. Simple, logique, pas besoin d’aller plus loin 😉 .

La « thermogenèse sans frissons » est quant-à-elle un peu plus complexe. Elle nécessite un type de graisse particulier nommétissu adipeux brun. Cette graisse, particulièrement présente chez les nouveaux nés et qu’on perd un peu à l’âge adulte, est capable de créer de la chaleur. Oui, comme un radiateur.

La vasomotricité cutanée

Il faut savoir que nous perdons beaucoup de chaleur aux extrémités de notre corps. Pour pallier à ce problème, l’évolution a permis le développement d’un mécanisme très bête mais très efficace. S’il fait trop froid, l’apport de sang aux extrémités va diminuer pour perdre le moins de chaleur possible. Et s’il fait trop chaud, l’apport de sang aux extrémités va augmenter pour perdre le plus de chaleur possible. Tout cela en diminuant ou en agrandissant le diamètre de nos vaisseaux sanguins.

La piloérection

La chair de poule. Oui c’est bien d’elle que je parle. Elle peut être déclenchée dans certaines situations telle que la peur ou le plaisir, mais ici c’est son déclenchement lors de l’exposition au froid dont je vais vous parler. Chacun de nos poils possède à sa racine un tout petit muscle appelé muscle horripilateur. Lorsqu’on a froid, ce muscle va se contracter et faire se dresser son poil.  Ce dressement va permettre de bloquer un fine couche d’air au dessus de la peau et ainsi éviter de perdre de la chaleur. Bon, il est vrai qu’on considère le rôle de la piloérection comme minime. Mais n’est-ce pas incroyable ce que l’évolution a réussi à créer ?!

La transpiration

Ah la transpiration, on s’en passerait bien non ? Plus de déo, plus de craintes dans le métro sur-bondé… Enfin un monde meilleur quoi ! Pas tant que ça. En effet, la transpiration, qui est sécrétée par des glandes sudoripares au niveau de la peau, est le seul mécanisme qui nous permette de perdre de la chaleur une fois que la température extérieure a dépassé celle de notre corps.

Et elle fait ça comment ?

En s’évaporant.

Mais encore…?

Ce n’est pas le fait de suer qui nous rafraîchi, mais le moment ou la transpiration s’évapore. Le changement d’état d’eau liquide en eau gazeuse (vapeur) utilise de l’énergie. Essayez seulement de faire de la vapeur d’eau sans chaleur (=énergie), c’est impossible. Pour pouvoir s’évaporer notre sueur à donc besoin de chaleur et c’est la chaleur de notre peau qu’elle utilise. Elle nous vole en quelque sorte de la chaleur pour pouvoir effectuer sa transformation.

Petit test pour voir si vous avez suivi : Est-ce que le fait d’essuyer la sueur qui coule sur notre peau quand il fait chaud est une méthode efficace pour se rafraîchir ?

Evidemment non. C’est certes confortable, mais en essuyant la transpiration vous lui enlevez la possibilité de s’évaporer et donc de vous rafraîchir.

Notez aussi que c’est à cause de cette évaporation que la chaleur est beaucoup plus supportable dans un pays chaud et sec que dans un pays chaud et humide. Dans le pays humide la sueur ne pourra pas bien (voir pas du tout) s’évaporer car l’air est déjà saturé en humidité. La transpiration perd donc tout son effet.

Le rôle du cerveau1,5 

Le cerveau c’est le grand chef, comme toujours. Et c’est plus précisément une partie du cerveau située dans son centre, nommée hypothalamus, qui gère la thermorégulation. La température est captée au niveau de la peau par des nerfs sensoriels afférents, les thermorécepteurs. J’anticipe votre question, afférent signifie « qui remonte au cerveau ». Une fois au niveau de l’hypothalamus, l’information est traitée et intégrée, et des ordres sont envoyés afin de mettre en marche les différents mécanismes que nous avons vu précédemment. Comme vous l’avez déjà lu plus haut, dans des conditions de santé normale la température est fixée à environ 37°C. C’est le réglage du thermostat de notre cerveau (set-point).

Mécanisme de la thermorégulation simplifié.

Et si malgré tous les efforts du cerveau les mécan犀利士 ismes de régulation sont dépassés, les problèmes commencent.

Notre corps est certes capable de s’auto-réguler, mais comme toute chose il a ses limites. Si notre température dépasse les 42°Ccela va dénaturer les protéines de notre corps, nous aurons des problèmes à synthétiser de l’ADN et… nous allons finir par mourir.

De la même manière si la température descend en dessous de 27°C1, il y a aura des changements délétères au niveau du cœur, du sang, des poumons, des nerfs et à nouveau…nous allons mourir.

Cas particuliers

Maintenant que vous savez tout de la thermorégulation, je vais vous présenter deux cas particulièrement intéressants à développer. La fièvre et les menstruations.

La fièvre1

Lorsque des microbes pénètrent notre corps, nos globules blancs s’activent pour nous défendre. Cette activation va entraîner le relâchement dans la circulation sanguine de différentes molécules qui vont atteindre le cerveau et influencer la température de base. Le set-point va être changé, exactement comme si vous montiez la température du thermostat de votre maison. A partir de ce moment là notre corps va réagir par les même mécanismes que si vous étiez exposé au froid. Vous allez avoir une sensation de froid, des frissons, une diminution de l’apport de sang aux extrémités, et si je ne vous ai pas perdu jusque là, vous connaissez le dernier: la chair de poule ou piloérection.

La fièvre a pour but de ralentir la croissance des microbes présents dans notre corps et d’activer notre système immunitaire pour mieux les combattre. Mais attention tout de même aux fièvres trop conséquentes. Comme expliqué avant, une température corporelle trop élevée peut être mortelle.

Les menstruations7

Au cours du cycle menstruel, il y a d’importantes variations de température dues aux hormones circulants dans le corps. La température monte d’environ un demi degré au moment de l’ovulation (14ème jour) et redescend du même demi degré à la fin du cycle (28ème jour). Cette variation de température est utile pour reconnaître le début d’une grossesse. Si la température reste élevée plus de 16 jours (donc 2 jours après la fin du cycle) cela nous donne un indice pour une vraisemblable grossesse.

Variation de la température corporelle au cours du cycle menstruel.

Voilà, c’est déjà la fin. J’espère que grâce à cet article j’aurai la modeste gloire d’avoir été la personne à vous avoir appris qu’humain et lézard, non, ce n’est pas pareil. Même si je reconnais que la différence n’est pas toujours évidente.

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1 Nakamura K. Central circuitries for body temperature regulation and fever, Am J Physiol Regul Integr Comp Physiol 2011, vol. 301, pp. 1207-1228

2 Kluger MJ, Vaughn LK. Fever and survival in rabbits infected with Pasteurella multocida, J Physiol 1978, vol. 282, pp. 243–251

3 Mackowiak PA, Browne RH, Southern PM Jr, Smith JW. Polymi-crobial sepsis: an analysis of 184 cases using log linear models, Am J Med Sci 1980, vol. 280, pp. 73–80

4 Simmers L. Diversified Health Occupations, Delmar 1988, pp. 150-151

5 Tansey EA, Johnson CD. Recent advances in thermoregulation, Adv Physiol Educ 2015, vol. 39, pp. 139-148

6 Sessler DI. Thermoregulatory defense mechanisms, Crit Care Med 2009, vol. 37, pp. 203-210

7 Dudenhausen JW. Praktische Geburtshilfe, De Gruyter 2011

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